jeudi 26 décembre 2013

CINQUANTE NUANCES DE GREY: CHAPITRE XII

Pour la première fois de ma vie, je sors faire du jogging volontairement. Je déterre des
mochetés de baskets que je n'ai jamais portées, un pantalon de survêt et un tee-shirt, je
me fais des couettes en rougissant des souvenirs qu'elles évoquent, et je prends mon iPod.
Impossible de rester assise une minute de plus devant cette merveille de la technologie à
lire des trucs aussi dérangeants. Je suis trop agitée : je dois brûler de l'énergie. À vrai dire,
j'aurais même envie de courir jusqu'à l'hôtel Heathman pour exiger de me faire baiser par
le maniaque du contrôle. Mais c'est à huit kilomètres de chez moi et je doute de pouvoir en
parcourir ne serait-ce qu'un seul. En plus, il serait capable de refuser, ce qui serait
affreusement humiliant.
Kate sort de sa voiture alors que je franchis la porte. Elle manque de laisser choir ses
courses en me voyant. Ana Steele en chaussures de sport ? Je la salue d'un signe sans
m'arrêter pour subir son inquisition. Il faut que je sois seule. Snow Patrol dans les oreilles,
je m'éloigne dans le crépuscule opale et aigue-marine.
Que faire ? Je le veux, mais dans les conditions qu'il m'impose ? Pas si sûr. Je devrais
peut-être éplucher ce contrat ridicule ligne à ligne pour en négocier les termes. D'après
mon enquête, il n'a aucune valeur juridique. Christian doit le savoir. Je suppose qu'il s'agit
simplement d'établir les paramètres de la relation, ce que je peux attendre de lui et ce qu'il
attend de moi -ma soumission totale. Suis-je prête à la lui accorder ? En suis-je seulement
capable ?
Une question me taraude - pourquoi est’il tel qu'il est ? Est-ce parce qu'il a été séduit
très jeune ? Ça reste une énigme pour moi.
Je m'arrête à côté d'un grand épicéa et j'appuie les mains sur mes genoux pour
reprendre mon souffle. Que c'est bon... purificateur. Je sens ma résolution se durcir. Oui.
Je dois lui préciser ce qui me convient et ce qui ne me convient pas ; lui faire part de mes
remarques par mail, pour que nous en discutions mercredi. J'aspire une grande bouffée
d'air pour me nettoyer les poumons et je retourne à l'appartement au petit trot.
Kate a fait son shopping pour ses vacances aux Bermudes : bikinis et paréos assortis.
Avec sa silhouette mince et pulpeuse, elle sera forcément superbe dans tout ça, mais elle
tient à me faire un défilé de mode. Il n'y a pas trente-six façons de dire « Tu es canon, Kate
». Elle ne fait pas exprès de me complexer, je sais, mais je finis par traîner mes pauvres
fesses en sueur dans ma chambre sous prétexte de faire des cartons. Le moins qu'on
puisse dire, c'est qu'après avoir vu Katherine Kavanagh en bikini, je ne pas me sens à la
hauteur. J'ai pris ma merveille de la technologie avec moi. Je la pose sur mon bureau pour
envoyer un mail à Christian.

De : Anastasia Steele
Objet : Choquée
Date : 23 mai 2011 20:33 A : Christian Grey
Cinquante Nuances de Grey
121
D'accord, j'en ai assez vu.
Ciao, c'était sympa de faire ta connaissance.
Ana
Je clique sur « envoyer », ravie de ma petite plaisanterie. La trouvera-t-il drôle ? Et
merde - sans doute pas. Christian Grey n'est pas réputé pour son sens de l'humour. Mais
je sais qu'il existe, j'en ai eu la preuve. Tout de même... j'ai peut-être un peu poussé.
J'attends sa réponse.
Et j'attends... et j'attends. Je consulte mon réveil. Dix minutes se sont écoulées.
Pour me distraire de l'angoisse qui me noue les tripes, je commence à fourrer mes livres
dans un carton. À 21 heures, toujours pas de nouvelles. Il est peut-être sorti. Je mets mes
écouteurs pour écouter Snow Patrol, et m'assieds pour relire le contrat et noter mes
commentaires.
Je ne sais pas pourquoi je lève les yeux ; je décèle peut-être un léger mouvement du
coin de l'oeil... Il est debout à la porte de ma chambre, dans son pantalon en flanelle grise
et sa chemise en lin blanc, et il fait tournoyer doucement ses clés de voiture. Je retire mes
écouteurs, tétanisée. Merde alors !
— Bonsoir, Anastasia.
Sa voix est froide, son expression impénétrable. Je suis incapable de prononcer un mot.
J'en veux à Kate de l'avoir laissé entrer sans m'avertir. Je suis vaguement consciente d'être
toujours en tenue de jogging, pas douchée, dégueulasse, alors qu'il est délicieusement
appétissant avec son pantalon qui lui fait ce truc affriolant aux hanches, et qui plus est, il
est ici, dans ma chambre.
— Je me suis dit que votre mail méritait qu'on y réponde en personne, m'explique-t-il
sèchement.
J'ouvre la bouche et je la referme à deux reprises. Ma plaisanterie s'est retournée contre
moi. Ni dans cet univers ni dans aucun univers parallèle je ne m'attendais qu'il laisse tout
tomber pour débarquer chez moi.
— Je peux m'asseoir ?
Il a une petite étincelle d'humour dans les yeux maintenant - Dieu merci, il va peut-être
trouver ça drôle ?
Je hoche la tête. La capacité de parler m'échappe toujours. Christian Grey est assis sur
mon lit.
— Je me demandais à quoi ressemblait ta chambre. Je regarde autour de moi comme
pour chercher une issue de secours. Non, il n'y a toujours qu'une porte et une fenêtre. Ma
chambre est fonctionnelle mais douillette avec ses meubles en rotin blanc et son lit double
en fer forgé blanc recouvert d'un édredon en patchwork bleu ciel et blanc confectionné par
ma mère durant sa période artisanat folklorique américain.
— C'est très serein et paisible, ici, murmure-t-il. Pas pour l'instant... pas quand tu es là.
Mon bulbe rachidien retrouve enfin ses fonctions. Je souffle :
— Comment... ? Il me sourit.
— Je suis toujours à l'hôtel Heathman. Je le savais. Ma politesse prend le pas :
— Tu veux boire quelque chose ?
— Non merci, Anastasia.
Il m'adresse un petit sourire en coin en penchant légèrement la tête sur son épaule. Moi,
en tout cas, j'en ai besoin.
— Alors comme ça, c'était sympa de faire ma connaissance ?
Oh la vache, l'aurais-je insulté ? Je regarde mes doigts. Comment vais-je m'en sortir ? Si
je lui dis que c'était une blague, ça ne va pas l'impressionner.
— Je pensais que tu répondrais par mail, dis-je d'une petite voix pathétique.
— Tu la mordilles exprès, ta lèvre ? me demande-t-il, l'air sombre.
Je cligne des yeux en lâchant ma lèvre.
— Je ne me rendais pas compte.
J'ai le coeur qui bat. Ce délicieux courant qui passe toujours entre nous charge la pièce
d'électricité statique. Assis près de moi, il se penche pour défaire l'une de mes couettes et
libère mes cheveux. Hypnotisée, je suis des yeux la main qui se tend vers ma deuxième
couette. Il tire sur l'élastique et démêle la mèche de ses longs doigts experts.
— Alors tu as décidé de te mettre au sport ? souffle-t-il d'une voix mélodieuse.
Ses doigts calent mes cheveux derrière mes oreilles.
— Pourquoi, Anastasia ?
Ses doigts encerclent mon oreille et très doucement, régulièrement, il tire sur le lobe.
C'est terriblement érotique.
— J'avais besoin de réfléchir.
Je suis hypnotisée comme un lapin par des phares, un papillon par une flamme, un
oiseau par un serpent... il sait exactement ce qu'il est en train de me faire.
— Réfléchir à quoi, Anastasia ?
— À toi.
— Et tu as décidé que ça avait été sympa de faire ma connaissance ? Tu l'entends au
sens biblique ?
Je m'empourpre.
— Je ne savais pas que tu connaissais la Bible.
— J'ai suivi des cours de catéchisme, Anastasia. J'y ai beaucoup appris.
— Si mes souvenirs sont bons, il n'est pas question de pinces à seins dans la Bible. Ou
alors, tu l'as lue dans une traduction plus moderne que moi.
Il esquisse un sourire. Je suis fascinée par sa bouche.
— En tout cas, je suis venu te rappeler à quel point c'était sympa de faire ma
connaissance.
Merde alors. Je le regarde fixement, bouche bée, tandis que ses doigts passent de mon
oreille à mon menton.
— Qu'en dites-vous, mademoiselle Steele ?
Son regard de braise me met au défi. Ses lèvres s'entrouvrent - il attend, prêt à bondir
sur sa proie. Un désir aigu, liquide, torride, me brûle au creux du ventre. Optant pour
l'attaque préventive, je me jette sur lui. Je ne sais comment, en un clin d'oeil il me cloue au
lit, les bras allongés au-dessus de la tête ; de sa main libre, il m'attrape le visage ; sa
bouche trouve ma bouche.
Sa langue s'empare de la mienne, et je me délecte de sa force. Je le sens du haut en bas
de mon corps. Ça m'excite qu'il me désire. Moi. Pas Kate avec ses petits bikinis, pas l'une
des quinze, pas la cruelle Mrs Robinson. Moi. Cet homme magnifique me désire. Ma déesse
intérieure est tellement incandescente qu'elle pourrait illuminer Portland. Il s'arrête de
m'embrasser et, quand j'ouvre les yeux, je constate qu'il me regarde.
— Tu me fais confiance ?
J'acquiesce, les yeux écarquillés, le coeur affolé, le sang qui bouillonne dans mes veines.
Il tire de sa poche de pantalon sa cravate en soie gris argent... la cravate en soie tissée
qui a laissé ses empreintes sur ma peau. Il me chevauche pour ligoter mes poignets mais
cette fois, il attache l'autre bout de la cravate à la tête de lit en fer forgé. Il tire sur le lien
pour s'assurer qu'il est solide. Je ne m'échapperai pas. Je suis ligotée à mon propre lit et
ça m'excite comme une dingue.
Il se relève et, debout à côté du lit, il me toise, l'oeil assombri par le désir, l'air à la fois
triomphant et soulagé.
— Voilà qui est mieux, murmure-t-il avec un sourire cruel et avisé.
Il commence à délacer l'une de mes baskets. Non... non... pas mes pieds. Non. Je viens
de faire un jogging.
— Non !
Je proteste en tentant de l'éloigner d'un coup de pied. Il s'arrête.
— Si tu te débats, je te ligote aussi les chevilles. Si tu fais un seul bruit, Anastasia, je te
bâillonne. Tais-toi. Katherine est sans doute en train d'écouter à la porte en ce moment.
Me bâillonner ? Kate ? Je me tais.
Il me retire mes chaussures et mes chaussettes et me débarrasse lentement de mon
pantalon de survêt. Aïe ! Je porte quoi, comme petite culotte ? Il me soulève pour retirer
l'édredon et me repose sur les draps.
— Bon, alors, dit’il en se léchant lentement les lèvres. Tu te mordilles encore, Anastasia.
Tu sais l'effet que ça me fait.
Il pose un index sur ma bouche en guise d'avertissement.
Oh mon Dieu. Allongée, impuissante, j'arrive à peine à me contenir. Le regarder se
mouvoir gracieusement dans ma chambre est un aphrodisiaque puissant. Lentement, en
prenant tout son temps, il retire ses chaussures et ses chaussettes, défait sa ceinture et
passe sa chemise par-dessus sa tête.
— Je crois que tu en as assez vu.
Avec un petit rire entendu, il me chevauche de nouveau et remonte mon tee-shirt ; je
crois qu'il va le retirer, mais il le passe sur ma tête de façon à dégager mon nez et ma
bouche tout en recouvrant mes yeux. Je n'arrive pas à voir à travers.
— Hum... De mieux en mieux. Bon, je vais aller chercher à boire.
Il se penche pour m'embrasser tendrement, je le sens se relever, puis j'entends grincer la
porte de ma chambre. Chercher à boire... Où ? Ici ? À Portland ? À Seattle ? Tendant
l'oreille, je perçois des voix assourdies. Il parle à Kate. Aïe ! Il est pratiquement nu. Que vat-
elle dire de ça ? J'entends un petit « pop ». C'est quoi ? La porte grince de nouveau, ses
pieds nus font craquer le parquet de ma chambre, des glaçons tintent dans un verre. Un
verre de quoi ? Il referme la porte et je l'entends retirer son pantalon. Je sais qu'il est nu. Il
me chevauche de nouveau.
— Tu as soif, Anastasia ? me taquine-t-il.
— Oui.
Tout d'un coup, j'ai la bouche desséchée.
Lorsqu'il m'embrasse, sa bouche déverse un liquide délicieux et frais dans ma bouche.
Du vin blanc. C'est tellement inattendu, tellement chaud, même si le vin est frappé et les
lèvres de Christian, fraîches...
— Encore ?
Je hoche la tête. Le vin est d'autant plus divin qu'il est passé par sa bouche. Il se
penche et je bois une nouvelle gorgée à ses lèvres... oh mon Dieu.
— Assez. On sait que tu tiens mal l'alcool, Anastasia. Je ne peux pas m'empêcher de
sourire ; il me passe une autre gorgée de vin, puis s'allonge à côté de moi. Je sens son
érection contre ma hanche. Je le veux en moi.
— Et ça, c'est sympa ?
Sa voix est tendue. Je me tends à mon tour. Il dépose un petit glaçon dans ma bouche
avec un peu de vin. Lentement, sans se presser, il fait courir un collier de baisers glacés
jusqu'à la base de ma gorge, puis entre nies seins, le long de ma poitrine et jusqu'à mon
ventre. Il crache un glaçon dans mon nombril avec une petite flaque de vin blanc frais qui
me brûle jusqu'au fond du ventre. Waouh.
— Maintenant, ne bouge plus, chuchote-t-il. Si tu bouges, Anastasia, tu vas renverser
du vin sur le lit.
Mes hanches ondulent automatiquement.
— Non ! Si vous renversez du vin, je vous punirai, mademoiselle Steele.
Je geins en luttant désespérément contre l'envie de remuer mes hanches, je tire sur mes
liens... Non... par pitié.
D'un doigt, il rabat l'un après l'autre les bonnets de mon soutien-gorge. Mes seins se
dressent, exposés, vulnérables. Ses lèvres froides tirent sur les pointes. Je résiste à mon
envie de me cambrer vers lui.
— Et ça, c'est sympa ?
Il souffle sur mon sein. Je sens un glaçon sur mon téton droit tandis qu'il tire sur le
gauche avec ses lèvres. Je gémis en m'efforçant de ne pas bouger. C'est une torture atroce,
exquise.
— Si tu renverses du vin, je ne te laisserai pas jouir.
— Non... s'il te plaît... Christian... monsieur... s'il vous plaît.
Il me rend folle. Je devine qu'il sourit.
Le glaçon fond dans mon nombril. Je suis brûlante, glacée, avide. Avide de lui en moi.
Tout de suite.
Ses longs doigts parcourent mon ventre langoureusement. Ma peau est hypersensible,
mes hanches ondulent par réflexe, et le liquide, maintenant réchauffé, déborde de mon
nombril pour couler sur mon ventre. Christian le lape d'un coup de langue, m'embrasse,
me mordille, me suce.
— Mon Dieu, Anastasia, tu as bougé. Qu'est-ce que je vais faire de toi ?
Je halète bruyamment. Je ne peux me concentrer que sur sa voix et ses caresses. Plus
rien n'est réel. Plus rien ne compte, plus rien ne s'enregistre sur mon radar. Ses doigts
glissent dans ma culotte.
— Ah, bébé, murmure-t-il en m'enfonçant deux doigts. Je pousse un petit cri.
— Tu mouilles tellement vite.
Il remue les doigts dans un lent va-et-vient émoustillant ; je vais à sa rencontre en
soulevant les hanches.
— Tu es une petite gourmande, me gronde-t-il. Son pouce encercle mon clitoris et
appuie dessus.
Je gémis tout haut tandis que mon corps se cabre sous ses caresses expertes. Il tend la
main pour passer mon tee-shirt par-dessus ma tête afin que je le voie. Je cligne des yeux
dans la lumière tamisée de ma lampe de chevet.
— J'ai envie de te toucher.
— Je sais.
Il se penche pour m'embrasser tout en continuant à remuer les doigts en moi pendant
que son pouce appuie sur mon clitoris en décrivant des cercles. De sa main libre, il
attrape mes cheveux pour maintenir ma tête. Sa langue fait écho aux mouvements de ses
doigts, prenant possession de moi. Mes jambes commencent à se raidir, je me pousse
contre sa main. Il ralentit, me ramenant du bord du gouffre, puis il recommence encore, et
encore... C'est tellement frustrant... Je t'en supplie, Christian.
— La voilà, ta punition. Si près et pourtant si loin... C'est sympa, ça ? me souffle-t-il à
l'oreille.
Je gémis, excédée, en tirant sur mes liens. Je suis à la merci de ce tourment érotique.
— S'il te plaît !
Il prend enfin pitié de moi.
— Comment vais-je te baiser, Anastasia ?
Oh... mon corps se met à frémir. Il s'immobilise de nouveau.
— S'il te plaît.
— Qu'est-ce que tu veux, Anastasia ?
— Toi... maintenant !
— Comment vais-je te baiser ? Le choix est infini, me souffle-t-il sur la bouche.
Il retire sa main pour prendre un sachet sur la table de chevet, s'agenouille entre mes
jambes et me retire très lentement ma culotte sans cesser de me regarder, les yeux
brillants. Il passe le préservatif. Je suis fascinée.
— Et ça, c'est sympa ? dit’il en se caressant.
— C'était une plaisanterie.
Baise-moi, je t'en supplie, Christian.
Il hausse un sourcil tandis que sa main remonte et redescend sur une érection d'une
longueur impressionnante.
— Une plaisanterie ? répète-t-il d'une voix doucement menaçante.
— Oui. Je t'en prie, Christian.
— Tu trouves ça drôle, maintenant ?
— Non !
Je suis une boule de tension sexuelle. Il me dévisage un moment pour évaluer mon
degré d'excitation, puis m'attrape tout d'un coup pour me retourner. Mes mains sont
encore ligotées ; je dois me soutenir en m'accoudant. Il repousse mes genoux pour me faire
dresser fesses en l'air, et il les claque, durement. Avant que je ne puisse réagir, il plonge
en moi. Je crie - à cause de la claque et de son assaut soudain - et je jouis
instantanément, m'effondrant sous lui tandis qu'il continue à me pilonner encore, et
encore, et encore... et puis ça remonte... non, ce n'est pas... non...
— Allez, Anastasia, encore, gronde-t-il à travers ses dents.
Et, incroyablement, mon corps répond, se convulsé autour de lui dans un nouvel
orgasme tandis que je crie son nom. Une fois de plus, j'explose en mille morceaux.
Christian se fige et se laisse aller en silence. Il s'effondre sur moi, le souffle court.
— Et ça, c'était sympa ? me demande-t-il, mâchoires serrées.
Oh mon Dieu.
Je gis sur le lit, essoufflée, épuisée, les yeux fermés, quand il se retire lentement de moi.
Il se lève aussitôt pour se rhabiller, avant de me détacher et de me retirer mon tee-shirt.
Je plie et déplie mes doigts, puis je me masse les poignets ; quand je découvre les
empreintes du tissu sur ma peau, je souris. Je rajuste mon soutien-gorge tandis qu'il
rabat le drap et l'édredon sur moi. Je le regarde, complètement sonnée, et je chuchote avec
un sourire timide :
— C'est vraiment sympa d'être venu me voir.
— Encore ce mot.
— Tu ne l'aimes pas ?
— Non. Pas du tout.
— Eh bien, en tout cas, il me semble qu'il aura eu des retombées bénéfiques.
— Non seulement je suis sympa, mais en plus je suis bénéfique ? Pourriez-vous blesser
un peu plus cruellement mon amour-propre, mademoiselle Steele ?
— Je ne crois pas que ton amour-propre puisse être blessé par quoi que ce soit.
Mais au moment où je prononce ces mots, je devine qu'ils sont faux - quelque chose
d'insaisissable me traverse l'esprit, une pensée fugace qui m'échappe avant que je n'aie pu
la saisir.
— Tu crois ?
Sa voix est douce. Il s'est allongé auprès de moi tout habillé, la tête appuyée sur son
bras accoudé. Je ne porte que mon soutien-gorge.
— Pourquoi n'aimes-tu pas être touché ?
— Je n'aime pas, c'est tout.
Il se penche pour poser un baiser sur mon front.
— Donc, ce mail, c'était une plaisanterie ?
Je souris d'un air contrit en haussant les épaules.
— Je vois. Et tu envisages toujours ma proposition ?
— Ta proposition indécente... oui. Mais ça me pose quelques problèmes.
Il me sourit, comme s'il était soulagé.
— Le contraire m'aurait étonné.
— J'allais t'envoyer un mail à ce sujet, mais tu m'as interrompue.
— Coitus interruptus.
Je souris.
— Tu vois, je savais que tu avais un sens de l'humour, même s'il est bien caché.
— Seulement à propos de certains sujets, Anastasia. J'ai cru que tu refusais, sans
discussion.
— Je ne sais pas encore. Je n'ai rien décidé. Tu vas me mettre une laisse ?
Il hausse les sourcils.
— Je vois que tu as fait ta petite enquête. Je ne sais pas, Anastasia, je n'ai jamais mis
de laisse à personne.
Ah... ça devrait m'étonner ? Je sais si peu de choses sur le milieu... Je ne sais pas.
— Et toi, on t'a mis une laisse ?
— Oui.
— Mrs Robinson ?
— Mrs Robinson !?
Il éclate d'un grand rire spontané : il a l'air tellement jeune et insouciant, la tête
renversée en arrière, que son rire me gagne.
— Je vais lui raconter ça, elle va adorer.
— Tu lui parles encore régulièrement ?
Je suis choquée.
— Oui.
Il est sérieux, maintenant. Quant à moi, je suis tout d'un coup folle de jalousie, et la
violence de ce sentiment me trouble.
— Je vois. Donc, toi, tu peux discuter de ton mode de vie alternatif avec quelqu'un, alors
que moi, je n'en ai pas le droit.
Il fronce les sourcils.
— Je n'y ai jamais songé sous cet angle. Mrs Robinson adhère à ce mode de vie. Je te l'ai
déjà dit, c'est une bonne amie, maintenant. Si tu veux, je peux te présenter à l'une de mes
anciennes soumises. Tu pourrais lui parler.
Quoi ? Il cherche à me blesser, là ?

— C'est à mon tour de te demander si tu plaisantes.
— Non, Anastasia. Perplexe, il secoue la tête.
— Pas la peine. Je me débrouillerai seule, merci.
Je tire l'édredon jusqu'à mon menton. Il me regarde, étonné.
— Anastasia, je...
Il ne sait plus quoi dire. Encore une première, sans doute.
— Je ne voulais pas t'offenser.
— Je ne suis pas offensée. Je suis consternée.
— Consternée ?
— Je ne veux pas parler à l'une de tes anciennes copines... esclaves... soumises... peu
importe comment tu les appelles.
— Anastasia Steele, seriez-vous jalouse, par hasard ? Je vire à l'écarlate.
— Tu restes ?
— Non. J'ai un petit déjeuner d'affaires demain matin au Heathman. En plus, je te l'ai
déjà dit, je ne dors pas avec mes copines, mes esclaves, mes soumises, ou qui que ce soit.
Vendredi et samedi, c'était exceptionnel. Ça ne se reproduira pas.
Sa voix est douce mais résolue. Je fais la moue.
— Bon, je suis fatiguée, maintenant.
— Tu me vires ?
Il hausse les sourcils, amusé et un peu déconcerté.
— Oui.
— Eh bien, encore une première. Donc tu ne veux pas discuter maintenant ? Au sujet
du contrat ?
— Non. Je boude.
— Mon Dieu, qu'est-ce que j'aimerais te flanquer une bonne fessée. Ça te ferait du bien,
et à moi aussi.
— Pas question... Je n'ai encore rien signé.
— On peut toujours rêver, Anastasia.
Il se penche pour m'attraper le menton.
— À mercredi ? murmure-t-il en me déposant un léger baiser sur les lèvres.
— À mercredi. Je te raccompagne. Une minute.
Je m'assieds et je le pousse pour attraper mon tee-shirt. Il se lève à contrecoeur.
— Passe-moi mon pantalon, s'il te plaît. Il le ramasse et me le tend.
— Oui madame, dit’il en tentant vainement de ravaler son sourire.
Je plisse les yeux en passant mon pantalon de survêt. J'ai la tignasse en bataille et je
sais que je devrai affronter l'inquisition de Katherine Kavanagh après le départ de
Christian. Attrapant un élastique, je m'avance vers la porte de la chambre et je l'entrouvre
pour voir si Kate est là. Je l'entends parler au téléphone dans sa chambre. Christian sort
derrière moi. Durant le bref parcours qui sépare ma chambre de la porte d'entrée, mes
pensées et mes sentiments fluent et refluent, se transforment. Ma colère a cédé au
chagrin. Je ne veux pas qu'il s'en aille. Quel dommage qu'il ne soit pas normal - je
voudrais une histoire d'amour qui ne nécessite pas un contrat de dix pages, une cravache
et des mousquetons au plafond.
Je lui ouvre la porte, les yeux baissés. C'est la première fois que je fais l'amour chez
moi, et c'était bon, mais maintenant j'ai l'impression de n'être qu'un réceptacle, une coupe
vide qu'il remplit à sa guise. Ma conscience secoue la tête. Tu étais prête à courir jusqu'au
Heathman pour te faire sauter - et tu as eu une livraison express à domicile. De quoi te
plains-tu ? Christian s'arrête sur le seuil et m'attrape le menton pour forcer mon regard à
croiser le sien. Son front se plisse.
— Ça va ? me demande-t-il tendrement en caressant ma lèvre inférieure de son pouce.
— Oui.
En fait, non. Si j'accepte ce qu'il me propose, je sais qu'il me fera souffrir. Il n'est ni
capable ni disposé à m'offrir plus... et j'en veux plus. Beaucoup plus. Ma bouffée de
jalousie de tout à l'heure m'a fait comprendre que j'éprouve pour lui des sentiments
beaucoup plus profonds que je ne me l'étais avoué.
— A mercredi, murmure-t-il en se penchant pour m'embrasser.
Quelque chose change pendant qu'il m'embrasse ; ses lèvres sur les miennes deviennent
plus empressées, il prend ma tête entre ses mains, sa respiration s'accélère, son baiser
devient plus profond. Je pose mes mains sur ses bras. J'aurais envie de les passer dans
ses cheveux, mais je résiste car je sais que ça lui déplairait. Il appuie son front contre le
mien, les yeux fermés, la voix tendue.
— Anastasia, chuchote-t-il, qu'est-ce que tu me fais ?
— Je pourrais te répondre la même chose.
Il inspire profondément, m'embrasse sur le front et s'arrache à moi pour marcher d'un
pas déterminé jusqu'à sa voiture en passant la main dans ses cheveux. Il relève les yeux
en ouvrant sa portière et m'adresse un sourire éblouissant. Mon propre sourire est faible,
car je suis aveuglée par le sien : Icare, volant trop près du soleil. Tandis qu'il monte dans
son cabriolet, je suis prise d'une envie irrésistible de pleurer. Je me précipite dans ma
chambre, referme la porte et m'y adosse en tentant d'y voir clair dans mes sentiments.
Impossible. Je me laisse glisser par terre, la tête entre les mains, et je laisse couler mes
larmes. Kate frappe doucement.
— Ana ?
Je lui ouvre. Dès qu'elle me voit, elle me prend dans ses bras.
— Qu'est-ce qui ne va pas ? Qu'est-ce qu'il t'a fait, cet enfoiré ?
— Kate, il ne m'a rien fait que je ne voulais pas. Elle m'attire vers le lit et nous nous y
asseyons.
— C'est immonde, ce brushing post-coïtal. Malgré mon chagrin, je pouffe de rire.
— En tout cas, c'était bon. Kate sourit.
— J'aime mieux ça. Pourquoi pleures-tu ? Tu ne pleures jamais.
Elle prend ma brosse sur la table de chevet et, s'asseyant derrière moi, elle se met à me
démêler les cheveux.
— C'est juste que je pense que cette histoire ne mènera à rien.
— Je croyais que tu allais le revoir mercredi ?
— En effet. C'était ce qui était prévu.
— Alors pourquoi a-t’il débarqué ici ce soir ?
— Je lui ai écrit un mail.
— Pour lui demander de passer ?
— Non, pour lui dire que je ne voulais plus le revoir.
— Et il a accouru ? Bien joué !
— En fait, c'était une plaisanterie.
— Ah. Maintenant je n'y comprends plus rien. Patiemment, je lui explique l'essentiel de
mon mail sans rien en trahir.
— Tu pensais qu'il allait te répondre par mail ?
— Oui.
— Mais au lieu de ça, il s'est pointé.
— Oui.
— Si tu veux mon avis, il est fou amoureux de toi. Christian, fou amoureux de moi ? Ça
m'étonnerait. Il cherche simplement un nouveau joujou avec lequel il peut coucher quand
l'envie lui en prend, et auquel il peut faire des trucs innommables. Mon coeur se serre
douloureusement. La voilà, la réalité.
— Il est venu me baiser, c'est tout.
— Tu es d'un romantique, souffle-t-elle, horrifiée.
Ça y est, j'ai choqué Kate. Je ne m'en serais pas crue capable. Je hausse les épaules
pour m'excuser.
— Il se sert du sexe comme d'une arme.
— Il te baise pour te soumettre ?
Elle secoue la tête d'un air désapprobateur. Je cligne des yeux plusieurs fois en
rougissant jusqu'à la racine des cheveux. En plein dans le mille, Katherine Kavanagh, futur
prix Pulitzer du journalisme.
— Ana, je ne comprends pas, tu le laisses simplement te faire l'amour ?
— Non, Kate, on ne fait pas l'amour, on baise - c'est le mot de Christian. L'amour, ça
n'est pas son truc.
— J'ai toujours pensé qu'il était bizarre, ce type. Si tu veux mon avis, il a du mal à
s'engager.
Je hoche la tête comme si j'acquiesçais. Ah, Kate... comme je regrette de ne pas pouvoir
tout te raconter sur cet homme étrange, triste, pervers, pour que tu me dises de l'oublier.
Que tu m'empêches d'être aussi idiote. Je me contente de murmurer :
— Tout ça me dépasse un peu.
C'est le moins qu'on puisse dire. Comme je ne veux plus parler de Christian, je demande
à Kate des nouvelles d'Elliot. Elle se métamorphose aussitôt, comme si elle était illuminée
de l'intérieur.
— Il vient samedi matin à la première heure pour nous aider à charger la fourgonnette.
Elle serre ma brosse à cheveux contre sa poitrine et j'éprouve un pincement d'envie.
Kate s'est trouvé un type normal et ça la rend heureuse.
Je me retourne pour la serrer dans mes bras.
— Tiens, au fait, j'ai oublié de te dire, ton beau-père t'a appelée pendant que tu étais...
en main. Apparemment, Bob s'est blessé, ta mère et lui ne pourront pas venir à la remise
des diplômes. Mais Ray arrive jeudi. Il veut que tu le rappelles.
— Ah bon ? Et ma mère, elle n'a pas téléphoné ? Bob, ça va ?
— Oui. Tu l'appelleras demain matin. Il est tard, là.
— Merci, Kate. Ça va mieux, maintenant. J'appellerai Ray demain matin aussi. Je pense
que je vais me coucher.
Elle me sourit, mais elle a l'air inquiet. Après son départ, je me rassois pour relire le
contrat en prenant des notes. Puis j'allume l'ordinateur. Un mail de Christian m'attend.

De : Christian Grey
Objet : Ce soir
Date : 23 mai 2011 23:16
À : Anastasia Steele
Mademoiselle Steele,
J'attends vos remarques sur le contrat.
D'ici là, dors bien, bébé.
Christian Grey
P-DG, Grey Enterprises Holdings, Inc.

De : Anastasia Steele
Objet : Problèmes
Date : 24 mai 2011 00:02
À : Christian Grey
Cher monsieur Grey,
Voici ce qui me pose problème. J'espère pouvoir en discuter plus longuement lors de notre dîner de
mercredi. Les numéros renvoient aux clauses :
1: Je ne vois pas en quoi ceci est uniquement pour MON bien - autrement dit, pour explorer MA
sensualité et mes limites. Je suis certaine de ne pas avoir besoin d'un contrat de dix pages pour ça ! Il
me semble que c'est pour VOTRE bien à vous.
3 : Comme vous le savez, vous êtes mon premier partenaire sexuel. Je ne me drogue pas et je n'ai
jamais eu de transfusion sanguine. Je n'ai sans doute aucune maladie. Pouvez-vous en dire autant ?
5 : Je peux résilier dès que je constate que vous ne respectez pas les limites convenues ? D'accord, ça
me va.
8 : Vous obéir en toutes choses ? Accepter sans hésitation votre discipline ? Il faut qu'on en discute.
10 : Période d'essai d'un mois. Pas trois.
11: Je ne peux pas m'engager tous les week-ends. J'ai une vie, ou j'en aurai une. Trois sur quatre,
peut-être ?
14.2 : User de mon corps comme vous le jugez opportun, sexuellement ou autrement : définissez «
autrement », s'il vous plaît.
14.5 : Je ne suis pas sûre de vouloir être fouettée, flagellée, ou de vouloir subir un châtiment corporel.
Je suis certaine que ce serait un manquement aux clauses 1-5. Et « pour toute autre raison », c'est de la
pure méchanceté - vous m'avez pourtant dit que vous n'étiez pas sadique.
14.10 : Comme si le fait de me prêter à un autre était envisageable. Mais je suis contente que ce soit
écrit noir sur blanc.
14.14 : Les Règles : on y reviendra.
14.19 : Me toucher ou me masturber sans votre permission. Faut-il une clause pour ça ? Vous savez
bien que je ne le fais pas de toute façon.
14.21: La discipline - voir la clause 14.5 ci-dessus.
14.22: Je ne peux pas vous regarder dans les yeux ? Pourquoi ?
14.24 : Pourquoi ne puis-je pas vous toucher ?
Règles :
Sommeil - d'accord pour six heures.
Aliments - pas question de me laisser dicter ce que je mange. C'est la liste ou moi. Cette clause est
rédhibitoire. Vêtements - si je ne suis obligée de les porter qu'avec vous, d'accord.
Gym - nous nous étions mis d'accord sur trois heures, ici je vois encore quatre heures.
Limites négociées :
On peut revoir tout ça ensemble ? Fisting, pas question. Suspension, qu'est-ce que c'est ? Pince à
lèvres génitales - vous plaisantez ?
Pourriez-vous me dire comment on fait pour mercredi ? Je travaille jusqu'à 17 heures ce jour-là.
Bonne nuit, Ana

De : Christian Grey
Objet : Problèmes
Date : 24 mai 2011 00:07
À : Anastasia Steele
Mademoiselle Steele,
La liste est longue. Pourquoi n'êtes-vous pas encore couchée ?
Christian Grey
P-DG, Grey Enterprises Holdings, Inc.

De : Anastasia Steele
Objet : Problèmes
Date : 24 mai 2011 00:10
À : Christian Grey
Monsieur,
Permettez-moi de vous rappeler que je rédigeais cette liste lorsque j'ai été détournée de ma tâche et
troussée par un maniaque du contrôle qui passait dans le quartier. Bonne nuit,
Ana

De : Christian Grey
Objet : Au lit !
Date : 24 mai 2011 00:12
À : Anastasia Steele
AU LIT, ANASTASIA.
Christian Grey
P-DG & Maniaque du contrôle, Grey Enterprises Holdings, Inc.

Le voilà qui me crie encore dessus avec ses majuscules ! J'éteins. Comment peut-il
m'intimider même à huit kilomètres de distance ? Je secoue la tête. J'ai toujours le coeur
lourd. Je me glisse dans mon lit et je succombe aussitôt à un sommeil profond mais agité.


                                                                                                     EL James

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire