La lumière qui inonde la chambre me tire d'un profond sommeil. J'ouvre les yeux en
m'étirant : par ce magnifique matin de mai, le panorama spectaculaire de Seattle s'étend à
mes pieds. Christian Grey dort à poings fermés - là aussi, quel spectacle ! -, ce qui me
procure une occasion inespérée de l'observer. Il fait plus jeune quand il est détendu. Ses
lèvres ourlées sont légèrement entrouvertes et ses cheveux brillants sont délicieusement
ébouriffés. Comment peut-on être aussi beau sans que ce soit illégal ? Je songe à sa
chambre à l'étage : peut-être est-ce illégal, en effet. Mais quand il dort, il est émouvant
comme un petit enfant. Et, pour la première fois, je peux l'admirer tranquillement, sans
avoir besoin de penser avant de parler, de réfléchir à ce qu'il dit, de m'interroger sur ses
intentions...
Je pourrais le contempler toute la journée comme ça, mais j'ai un besoin... pressant. Je
me glisse hors du lit et ramasse sa chemise blanche qui gît par terre pour m'en vêtir. En
pensant trouver la salle de bains, j'aboutis dans un dressing aussi grand que ma chambre.
Costumes, chemises, chaussures, cravates par rangées entières... Comment peut-on avoir
besoin d'autant de vêtements ? Je claque la langue, désapprobatrice. Cela dit, la garderobe
de Kate pourrait sans doute rivaliser avec celle-ci. Kate ! Merde ! J'étais censée lui
envoyer un SMS hier soir dès mon arrivée à Seattle. Qu'est-ce qu'elle va m'engueuler ! Je
me demande comment ça se passe, entre elle et Elliot.
Christian dort toujours. J'essaie une autre porte. Cette fois, c'est la bonne. Encore une
débauche d'espace. Je remarque, ironique, qu'il y a deux lavabos. Puisqu'il dort toujours
seul, c'est un de trop.
Je scrute mon reflet dans le miroir. Ai-je changé ? En tout cas, je me sens différente. J'ai
un peu mal là. Quant à mes muscles... C'est comme si je n'avais jamais fait de gym de ma
vie. Qu'est-ce que tu racontes ? Tu n'as jamais fait de gym. Ma conscience, qui vient de se
réveiller, me fixe, lèvres pincées, en tapant du pied. Si je comprends bien, tu viens de te
laisser dépuceler par un homme qui n'est pas amoureux de toi. Et qui, soit dit en passant,
veut faire de toi son esclave sexuelle. ES-TU DEVENUE FOLLE ?
Je grimace. Il va falloir que je réfléchisse à tout ça. Ce serait en effet de la pure folie de
tomber amoureuse d'un homme beau comme un dieu, plus riche que Crésus, qui me
destine à sa Chambre rouge... Je frissonne. Non seulement je ne sais plus où j'en suis
mais mes cheveux, comme d'habitude, n'en font qu'à leur tête. Le brushing post-coïtal, ça
ne me va pas du tout. Je tente d'imposer un peu d'ordre à ce chaos avec mes doigts mais
j'échoue lamentablement et finis par renoncer - je trouverai peut-être un élastique dans
mon sac.
Morte de faim, je m'aventure hors de la chambre. Le Beau au bois dormant ne s'est
toujours pas réveillé.
Oh, putain... Kate ! J'ai laissé mon sac dans le bureau de Christian. Je vais le prendre et
j'en tire mon portable. Trois SMS.
« Ça va Ana ? »
« T'es où Ana ? »
« Merde, Ana ! »
J'appelle Kate. Comme elle ne répond pas, je lui laisse un message pour lui présenter
mes plus plates excuses et lui assurer que je n'ai pas été victime de Barbe-Bleue -en tout
cas, pas au sens qu'elle semblait redouter. Ou alors, si. Je ne sais plus. Je tente d'analyser
mes sentiments, tâche insurmontable à laquelle je renonce aussitôt en secouant la tête.
J'ai besoin d'être seule, loin d'ici, pour faire le point.
Je trouve deux élastiques dans mon sac et je me fais rapidement des couettes. Plus
j'aurai l'air d'une petite fille, plus je serai à l'abri de Barbe-Bleue, non ? Je prends mon
iPod et je mets mes écouteurs. Rien de tel que de faire la cuisine en musique. Je glisse
l'iPod dans la poche de la chemise de Christian, volume à fond, et je commence à danser.
Bordel, qu'est-ce que j'ai faim.
La cuisine est tellement design que les placards n'ont pas de poignées, mais je finis par
deviner qu'il faut pousser dessus pour les ouvrir. Je devrais peut-être préparer le petit
déjeuner de Christian ? L'autre jour, il mangeait une omelette... en fait, c'était hier matin,
à l'hôtel Heathman. Il s'est passé tant de choses depuis ce moment-là. Dans le frigo, je
trouve des oeufs en abondance. J'ai envie de pancakes avec du bacon. J'entreprends de
faire de la pâte tout en dansant dans la cuisine.
Ça me fait du bien de m'occuper. J'ai le temps de réfléchir, mais pas trop profondément.
La musique qui joue à plein volume dans mes oreilles m'aide à repousser des pensées trop
complexes. Je suis venue passer la nuit avec Christian Grey et j'y suis arrivée, alors qu'il
ne laisse personne coucher dans son lit. Je souris : mission accomplie. Ses mots, son
corps, sa façon de me faire l'amour... Je ferme les yeux en ronronnant, tandis que mes
muscles se crispent délicieusement au creux de mon ventre. Ma conscience me regarde
d'un air furibond. Il ne t'a pas fait l'amour, il t'a baisée, me hurle-t-elle, cette saleté. Au
fond, je sais qu'elle a raison, mais je secoue la tête pour chasser cette pensée et me
concentre sur ma tâche.
Je lance la cuisson du bacon. Amy Studt chante doucement dans mes oreilles une
chanson sur les inadaptés qui m'a toujours touchée, parce que moi-même, j'en suis une.
Je n'ai jamais été à ma place nulle part et maintenant... le Roi des Inadaptés en personne
m'a fait une proposition indécente. Pourquoi est’il tel qu'il est ? Nature ou culture ? C'est
tellement étranger à tout ce que j'ai connu jusqu'à maintenant...
Je mets le bacon sur le gril et, pendant qu'il cuit, je bats les oeufs. Quand je me
retourne, Christian est accoudé au bar, le menton dans les mains, encore vêtu du teeshirt
dans lequel il a dormi. Le brushing post-coïtal lui va bien, à lui, tout comme la barbe
d'un jour. Il semble à la fois amusé et perplexe. Je me fige en rougissant et retire mes
écouteurs, les genoux flageolants.
— Bonjour, mademoiselle Steele. Vous êtes très en forme ce matin.
— J'ai... j'ai bien dormi. Il ravale un sourire.
— On se demande pourquoi.
Il se tait un instant en fronçant les sourcils.
— Moi aussi, d'ailleurs, après être revenu me coucher.
— Tu as faim ?
— Très.
À mon avis, il ne parle pas de nourriture.
— Pancakes, bacon et oeufs ?
— Formidable.
— Je ne sais pas où tu ranges tes sets de table, dis-je en tentant désespérément de ne
pas avoir l'air nerveuse.
— Je m'en occupe. Tu veux que je mette de la musique pour que tu puisses continuer
à... euh... danser ?
Je sais que je suis en train de virer au cramoisi.
— Je t'en prie, ne t'arrête pas pour moi. C'est très distrayant, ironise-t-il.
Je pince les lèvres. Distrayant ? Ma conscience est pliée en deux de rire. Vexée, je me
remets à battre les oeufs un peu plus vigoureusement que nécessaire. L'instant d'après,
Christian est derrière moi. Il me tire doucement par une couette.
— J'adore, me chuchote-t-il. Elles ne te protégeront pas.
Hum... Barbe-Bleue...
— Tes oeufs, tu les aimes comment ?
Il sourit :
— Fouettés, ricane-t-il.
Je reprends ma tâche en tentant de ravaler un sourire. Difficile de rester en colère
contre lui quand il est aussi enjoué, ce qui lui arrive rarement. Il sort deux sets de table
ardoise qu'il met sur le comptoir du bar. Je verse les oeufs battus dans la poêle, sors le
bacon, le retourne et le remets sur le gril. Christian a versé le jus d'orange et il est en train
de se faire du café.
— Tu veux du thé ?
— Oui, si tu en as.
Je trouve des assiettes que je pose sur le chauffe-plats de la cuisinière. Christian ouvre
un placard et en sort du Twinings English Breakfast Tea. Je fais la moue.
— Si j'ai bien compris, tu savais déjà qu'on allait conclure.
— Nous n'avons encore rien conclu, mademoiselle Steele.
Que veut-il dire par là ? Il parle de nos négociations ? De notre, euh... relation ? Je
remplis les assiettes et je les pose sur les sets de table, puis je fouille dans le frigo et trouve
du sirop d'érable.
Christian me désigne un tabouret :
— Mademoiselle Steele.
J'incline la tête :
— Monsieur Grey.
Mais quand je m'assois, je ne peux pas m'empêcher de grimacer.
— Tu as mal ?
Je rougis. Pourquoi me pose-t’il toujours des questions aussi indiscrètes ?
— Tu veux t'excuser ?
Je crois qu'il se retient de sourire, mais je n'en suis pas certaine.
— Non, mais je me demandais si nous pouvions poursuivre ta formation de base.
— Ah.
Je le fixe du regard, soufflé coupé, tandis que tous les muscles de mon ventre se
crispent.
— Mange, Anastasia.
Je n'ai plus faim... Encore... encore du sexe... s'il vous plaît.
— Au fait, c'est délicieux, dit’il en me souriant.
Je prends une bouchée d'omelette mais je la goûte à peine. Ma formation de base ! Je
veux te baiser la bouche. Ça fait partie de la formation de base ?
— Arrête de te mordiller la lèvre. Ça me déconcentre, et je devine que tu ne portes rien
sous ma chemise, ce qui me distrait encore plus.
Je trempe mon sachet de thé dans la petite théière. J'ai la tête qui tourne.
— À quel genre de formation de base songes-tu ? J'essaie de prendre l'air détaché
malgré mes hormones en surchauffe.
— Comme tu as mal, je me disais qu'on pourrait s'en tenir à l'oral.
J'en avale mon thé de travers et je me mets à tousser. Il me tapote le dos et me tend du
jus d'orange.
— À supposer que tu aies envie de rester, évidemment, ajoute-t-il.
Je n'arrive pas à interpréter son expression. Qu'est-ce que c'est frustrant !
— J'aimerais rester encore aujourd'hui, si tu es d'accord. Demain, je travaille.
— À quelle heure ?
— 9 heures.
— Je ferai en sorte que tu sois rentrée à 9 heures demain matin.
Autrement dit, il veut que je passe encore une nuit ici ?
— Il faut que je rentre ce soir pour me changer.
— On peut te trouver des vêtements de rechange à Seattle.
Mais je n'ai pas de quoi m'offrir une nouvelle tenue ! Il m'attrape le menton et tire
dessus pour que mes dents lâchent ma lèvre inférieure. Je ne me rendais même pas
compte que je la mordillais.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Je dois rentrer ce soir.
Ses lèvres ne forment plus qu'une ligne dure.
— Comme tu veux. Mange.
J'ai les idées et l'estomac retournés. Mon appétit a disparu. Je fixe mon assiette.
— Mange, Anastasia. Tu n'as rien mangé hier soir.
— Je n'ai plus faim, je te jure. Il plisse les yeux.
— Je tiens vraiment à ce que tu finisses ton petit déjeuner.
— Veux-tu bien m'expliquer cette obsession de la bouffe ?
Il fronce les sourcils.
— Je te l'ai déjà dit, je n'aime pas qu'on gaspille la nourriture. Mange, aboie-t-il, le
regard douloureux.
Mais c'est quoi, ce délire ? Je prends ma fourchette et me force à mastiquer. La
prochaine fois, je devrai me rappeler de ne pas autant remplir mon assiette, vu son rapport
bizarre aux aliments. Son expression se radoucit dès qu'il me voit manger. Lui a déjà fini. Il
attend que je termine, puis il me prend mon assiette.
— Tu as fait la cuisine, c'est à moi de débarrasser.
— C'est très démocratique.
— Oui. Pourtant, ça n'est pas mon genre. Après, on prendra un bain.
Je préfère les douches. La sonnerie de mon portable interrompt ma rêverie. C'est Kate.
Je réponds en m'éloignant vers les portes vitrées du balcon.
— Salut.
— Ana, pourquoi ne m'as-tu pas envoyé de SMS hier soir ?
Elle est furieuse.
— Je suis désolée, j'ai été dépassée par les événements.
— Ça va ?
— Oui, ça va.
— Et alors ?
Elle vient aux renseignements, cette chipie. Je lève les yeux au ciel.
— Ça y est... j'en suis sûre ! s'exclame-t-elle.
— Kate, s'il te plaît...
— Alors, c'était comment ? Ça va ?
— Oui, ça va, je l'ai déjà dit.
— Il a été doux avec toi ?
— Kate, je t'en prie !
— Ana, ne fais pas ta cachottière. J'attends ce moment depuis presque quatre ans.
— À ce soir.
Je raccroche. Kate va me donner du fil à retordre. Elle exigera de connaître tous les
détails, alors que je ne peux rien lui raconter parce que j'ai signé - comment, déjà ? - un
accord de confidentialité. Mon silence va l'inquiéter, à raison d'ailleurs. Il faut que je
trouve une stratégie. Je retourne vers la cuisine où Christian s'active.
— L'accord de confidentialité, ça couvre tout ?
— Pourquoi ?
Il se tourne vers moi tout en rangeant le thé. Je rougis.
— J'aimerais poser quelques questions à Kate au sujet du sexe.
— Tu peux me les poser à moi.
— Christian, sans vouloir te vexer...
Je ne peux pas te demander. Tu vas me donner ton point de vue biaisé et déformé de
pervers. Je cherche un avis impartial.
— Juste des questions techniques. Je ne parlerai pas de la Chambre rouge de la
Douleur.
Il hausse les sourcils.
— La Chambre rouge de la Douleur ? Il s'agit de plaisir, Anastasia, crois-moi. En plus,
ajoute-t-il d'une voix plus dure, ta colocataire s'envoie en l'air avec mon frère. Je
préférerais vraiment que tu t'abstiennes de discuter de moi avec elle.
— Ta famille est au courant de tes... euh... prédilections ?
— Non. Ça ne les regarde pas. Il me rejoint en deux pas.
— Qu'est-ce que tu veux savoir ?
Il caresse du bout des doigts ma joue jusqu'au menton, et renverse ma tête en arrière
pour que je le regarde droit dans les yeux. Je serais incapable de mentir à cet homme.
— Rien de précis pour l'instant.
— Commençons par cette question : cette nuit, c'était comment, pour toi ?
Son regard brûle de curiosité. Il tient vraiment à le savoir. Ça alors.
— C'était bon.
Il esquisse un sourire.
— Pour moi aussi. C'est la première fois que je pratique le sexe-vanille. Ça n'est pas si
mal que ça, au fond. Mais c'est peut-être parce que c'est toi.
Il passe le pouce sur ma lèvre inférieure. Le sexe-vanille ?
— Allez, on va prendre un bain.
Il se penche pour m'embrasser. Mon coeur fait un bond et le désir s'insinue au creux de
mon ventre... jusque là.
La baignoire en forme d'oeuf est en pierre blanche, profonde, très design. Christian se
penche pour ouvrir le robinet et verser une huile de bain qui embaume le jasmin. Il se
redresse, retire son tee-shirt et le laisse tomber par terre. Je reste à l'entrée de la salle de
bain, bras croisés, admirant subrepticement son physique.
— Mademoiselle Steele.
Il me tend la main. Je m'avance pour la prendre et il me fait signe d'entrer dans la
baignoire, toujours vêtue de sa chemise. Je dois m'habituer à lui obéir si je décide
d'accepter son offre scandaleuse... L'eau est agréablement brûlante.
— Retourne-toi, fais-moi face, me commande-t-il d'une voix douce.
J'obéis. Il m'observe attentivement.
— Je sais que cette lèvre est délicieuse, je peux en attester, mais veux-tu bien arrêter de
la mordre ? Quand tu fais ça, j'ai envie de te baiser, et je ne peux pas parce que tu as mal,
tu comprends ?
Je tressaille, ce qui libère automatiquement ma lèvre.
— Compris ?
Je hoche la tête frénétiquement. J'ignorais que je pouvais le troubler à ce point.
— Bien.
Il tire mon iPod de ma poche pour le poser près du lavabo.
— Les iPods et l'eau, ça n'est pas compatible, marmonne-t-il.
Il attrape le bas de ma chemise, me la retire et la jette par terre, puis recule pour me
contempler. Je suis nue devant lui. Je vire au cramoisi et regarde mes mains jointes au
bas de mon ventre. J'ai désespérément envie de disparaître sous la mousse, mais je sais
que ça ne lui plairait pas.
— Hé !
Je lève les yeux. Il penche la tête sur son épaule.
— Anastasia, tu es une très belle femme. Ne baisse pas la tête comme si tu avais honte
de ton corps. Au contraire, tu peux en être fière, et c'est un véritable plaisir de te regarder.
Il m'attrape le menton et me renverse la tête en arrière pour que je le regarde dans les
yeux. Les siens sont doux, chaleureux, brûlants. Il est tellement proche. Je pourrais le
toucher rien qu'en tendant la main.
— Tu viens ? dis-je.
— Pourquoi pas ? Pousse-toi, m'ordonne-t-il.
Il retire son pantalon de pyjama et entre dans la baignoire à son tour. S'installant
derrière moi, il m'attire contre sa poitrine, allonge ses jambes sur les miennes, passe les
pieds par-dessus mes chevilles et les écarte brusquement. Je pousse un petit cri. Le nez
dans mes cheveux, il inspire profondément.
— Tu sens tellement bon, Anastasia.
Je suis toute nue dans une baignoire avec Christian Grey. Il est tout nu lui aussi. Si l'on
m'avait prédit que je me retrouverais là quand je me suis réveillée dans sa suite à l'hôtel
hier matin, je ne l'aurais pas cru.
Il prend le flacon de gel douche, en verse un peu dans sa paume, se frotte les mains
pour le faire mousser, et commence à me masser le cou et les épaules de ses longs doigts
fermes. C'est trop bon.
— Ça te plaît ?
— Mmm.
Il passe de mon cou à mes bras, puis à mes aisselles. Heureusement que Kate m'a forcée
à me raser. Ses mains glissent vers mes seins et les malaxent doucement. Je me cambre
instinctivement pour les pousser vers ses mains. Les pointes sont encore un peu
endolories par la façon cavalière dont il les a traitées hier soir. Il ne s'y attarde pas et fait
glisser ses mains vers mon ventre. Ma respiration s'accélère, mon coeur s'affole. Son
érection durcit contre mes fesses. C'est tellement excitant de penser que c'est mon corps
qui lui fait cet effet-là. Ha !... pas ton esprit, raille ma conscience. Je chasse cette pensée
importune.
Il s'arrête pour prendre un gant de toilette tandis que je halète contre lui... lascive...
avide. Mes mains sont posées sur ses cuisses fermes et musclées. Versant du gel douche
sur le gant de toilette, il tend le bras pour me laver entre les jambes. Je retiens mon
souffle. Ses doigts me stimulent habilement à travers l'étoffe, c'est divin, et mes hanches se
mettent à se mouvoir à leur propre rythme pour aller à la rencontre de sa main. Tête
renversée, yeux exorbités, bouche béante, je geins. La pression monte lentement,
inexorablement en moi... oh mon Dieu.
— Vas-y, bébé, me souffle Christian à l'oreille en m'effleurant le lobe de ses dents. Vas-y
pour moi.
Ses jambes plaquent les miennes contre les parois de la baignoire, pour ouvrir un accès
à mon intimité.
— S'il te plaît...
Je tente d'allonger les jambes quand mon corps se raidit. Je suis sous l'emprise sexuelle
de cet homme, et il ne me laisse pas bouger.
— Je crois que tu es assez propre, maintenant, murmure-t-il en s'arrêtant.
Quoi ? Non ! Non ! Non ! Je m'étrangle.
— Pourquoi tu t'arrêtes ?
— Parce que j'ai d'autres projets pour toi, Anastasia. Quoi... bon sang... mais... j'étais sur
le point de... ça n'est pas juste.
— Retourne-toi. Moi aussi, j'ai besoin de me laver. Ah ! En me retournant pour lui faire
face, je découvre qu'il a son érection bien en main.
— Je veux que tu apprennes à connaître, à tutoyer, si l'on peut dire, la partie de mon
corps que je préfère.
C'est tellement gros, et ça grossit encore ! Son érection émerge de l'eau. Je la regarde
fixement et déglutis. Tout ça, c'était en moi ? Impossible. Il veut que je le touche. Hum...
Allez, hop, on y va.
Je lui souris en versant un peu de gel douche au creux de ma main, que je fais mousser
entre mes paumes sans le quitter du regard. J'entrouvre les lèvres et très délibérément, je
mordille doucement ma lèvre inférieure, puis je passe ma langue là où mes dents se sont
enfoncées. Il écarquille les yeux quand ma langue frôle ma lèvre inférieure. Je me penche
pour le prendre en main. Il ferme les yeux un instant. Ça alors... c'est encore plus dur que
je ne m'y attendais. Je serre. Il pose sa main sur la mienne.
— Comme ça, chuchote-t-il.
Il fait coulisser sa main de haut en bas en m'agrippant fermement les doigts. Il baisse
les paupières et s'arrête un instant de respirer. Quand il les rouvre, son regard gris est en
fusion.
— C'est ça, bébé.
Il me laisse continuer seule et ferme les yeux tandis que je fais coulisser ma main sur
son sexe. Quand ses hanches basculent vers moi, d'instinct, je resserre les doigts, ce qui
lui arrache un petit gémissement. Baiser ma bouche... hum. Je me rappelle qu'il m'a
enfoncé le pouce dans la bouche et m'a demandé de le sucer fort. La sienne s'ouvre, sa
respiration s'accélère. Je me penche vers lui pendant qu'il a les yeux fermés, je l'entoure de
mes lèvres et je suce timidement, en faisant courir ma langue sur le bout de son sexe.
— Ah mon Dieu... Ana.
Ses yeux s'écarquillent. Je suce de plus belle.
Hum... il est à la fois dur et doux, comme de l'acier gainé de velours, et étonnamment
savoureux - il a un goût salé.
— Putain, gémit-il en refermant les yeux.
Je baisse la tête pour le prendre encore plus profondément dans ma bouche. Il gémit
encore. Oui ! Ma déesse intérieure est aux anges. Je peux le faire. Je peux le baiser, lui,
avec ma bouche. Je fais tournoyer ma langue ; il bascule ses hanches vers moi. Ses yeux
sont ouverts maintenant, torrides. Il serre les dents en remuant de nouveau des hanches,
et je l'enfonce encore plus profondément dans ma bouche en prenant appui sur ses
cuisses. Je sens ses jambes se tendre. Il m'attrape par les couettes et se met à remuer
vraiment.
— Ah... bébé... c'est bon...
Je suce encore plus fort, en donnant des petits coups de langue à son gland. Puis,
recouvrant mes dents de mes lèvres, je resserre la bouche sur lui. Sa respiration devient
sifflante, et il gémit.
— Bon sang. Tu peux aller loin, comme ça ?
Hum... Je le prends dans ma bouche jusqu'à ce que je le sente au fond de ma gorge,
puis je remonte. Je lèche ma sucette préférée : celle au parfum Christian Grey. Je le
pompe de plus en plus avidement en faisant tournoyer ma langue. Miam... je ne savais pas
que c'était aussi excitant de donner du plaisir. Ma déesse intérieure danse le merengue et
la salsa.
— Anastasia, je vais te jouir dans la bouche, me prévient-il d'une voix éraillée. Si tu ne
veux pas, arrête tout de suite.
Il donne un coup de rein, les yeux grands ouverts, débordants de désir. De désir pour
moi. De désir pour ma bouche... oh mon Dieu.
Il m'agrippe par les cheveux. Je pompe encore plus goulûment et dans un moment
d'audace extraordinaire, je découvre mes dents. Ça le fait exploser. Il crie, se fige, et je sens
un liquide chaud et salé me couler dans la gorge. J'avale rapidement. Beurk... Ça, j'aime
moins. Mais je m'en fous - il a joui dans la baignoire à cause de moi. Je me rassois pour
l'observer avec un sourire triomphant. Ouvrant les yeux, il me regarde, stupéfait, haletant.
— Tu n'as pas de réflexe de haut-le-coeur ? Merde, Ana... c'était... bon, vraiment bon.
Mais inattendu.
Il fronce les sourcils.
— Tu sais, tu n'arrêtes pas de m'étonner.
Je souris en mordillant volontairement ma lèvre inférieure. Il m'examine d'un oeil
songeur.
— Tu as déjà fait ça ?
— Non.
Je ne peux pas m'empêcher de me rengorger.
— Très bien, dit’il avec complaisance et, me semble-t-il, un certain soulagement. Encore
une première, alors, mademoiselle Steele.
Il m'examine d'un oeil inquisiteur.
— Reçue à l'oral, mention excellent. Viens, allons au lit, je te dois un orgasme.
Encore un orgasme !
En sortant de la baignoire, il m'offre pour la première fois le spectacle complet de
l'Adonis divinement proportionné qu'est Christian Grey. Ma déesse intérieure a arrêté de
danser : elle le fixe en bavant un peu. L'érection de Christian est légèrement domptée mais
toujours impressionnante... waouh. Il se ceint les reins d'une serviette qui ne recouvre que
l'essentiel, et m'en tend une plus grande, blanche et moelleuse. Je sors de la baignoire et
prends la main qu'il me tend. Il m'enveloppe dans la serviette, m'attire contre lui,
m'embrasse vigoureusement en poussant sa langue dans ma bouche. J'ai follement envie
de l'enlacer... de le toucher... mais mes bras sont prisonniers de la serviette. Je me perds
bientôt dans son baiser. Il me prend la tête entre ses mains, sa langue explore ma bouche,
et j'ai l'impression qu'il m'exprime sa gratitude - peut-être - pour ma première pipe. Hou
là.
Il s'écarte en me tenant toujours le visage entre ses mains, et plonge son regard dans le
mien, l'air égaré.
— Dis-moi oui, chuchote-t-il d'une voix fervente. Je fronce les sourcils. Je ne comprends
pas.
— Oui à quoi ?
— A notre accord. Dis-moi que tu veux être à moi. S'il te plaît, Ana.
Il m'embrasse encore, doucement, passionnément, avant de s'écarter de nouveau pour
me regarder. Puis il me prend par la main et me ramène dans la chambre, chancelante. Je
le suis docilement. Alors il y tient vraiment.
Une fois dans sa chambre, il baisse les yeux vers moi tandis que nous nous tenons
debout à côté du lit.
— Tu me fais confiance ? me demande-t-il à brûle-pourpoint.
Je hoche la tête, car je viens de comprendre tout d'un coup qu'en effet je lui fais
confiance. Qu'est-ce qu'il va me faire maintenant ? Un courant électrique me fait frémir de
la tête aux pieds.
— C'est bien, ma belle, me souffle-t-il en effleurant ma lèvre inférieure du pouce.
Il disparaît dans son dressing et en revient avec une cravate en soie gris argent.
— Tends les mains devant toi et joins-les, m'ordonne-t-il en me retirant ma serviette,
qu'il jette par terre.
J'obéis. Il m'attache les poignets avec sa cravate, le regard brillant d'excitation, et tire
sur le noeud pour s'assurer de sa solidité. Il a dû être scout quand il était petit. Et
maintenant, qu'est-ce qui va se passer ? Mon pouls explose le compteur, mon coeur bat à
tout rompre. Il lisse mes couettes du bout des doigts.
— Tu as l'air tellement jeune comme ça.
D'instinct, je recule jusqu'à ce que je sente le lit derrière mes genoux. Il laisse tomber sa
serviette, mais je n'arrive pas à détacher mes yeux de son regard de braise.
— Ah, Anastasia, qu'est-ce que je vais bien pouvoir te faire ? me souffle-t-il en
m'allongeant sur le lit.
Il s'y allonge à son tour et me relève les bras au-dessus de la tête.
— Laisse-les là, ne bouge pas, compris ? L'intensité de son regard me coupe le souffle.
Je n'ai pas intérêt à contrarier cet homme... jamais.
— Réponds-moi, ordonne-t-il d'une voix douce.
— Je ne bougerai pas.
— Très bien, murmure-t-il en se léchant lentement les lèvres.
Je suis fascinée par cette langue qui balaie sa lèvre supérieure. Il m'observe, me jauge,
puis pose un petit baiser chaste et rapide sur mes lèvres.
— Maintenant, je vais vous embrasser partout, mademoiselle Steele.
Il m'attrape le menton pour exposer ma gorge et l'embrasse, la suçote, la mordille
jusqu'au petit creux à la base du cou. Mon corps se met au garde-à-vous... de partout.
Après mon bain, ma peau est hypersensible. Mon sang échauffé afflue dans mon ventre,
entre mes jambes, jusque là. Je gémis.
Je meurs d'envie de le toucher. Tant bien que mal, je réussis à mettre mes mains
ligotées dans ses cheveux. Il s'arrête de m'embrasser pour me lancer un regard furieux,
puis secoue la tête en claquant la langue, attrape mes mains et les remet par-dessus ma
tête.
— Ne bouge pas, ou il va falloir tout recommencer de zéro.
Quel allumeur, celui-là.
— J'avais envie de te toucher.
— Je sais. Mais garde tes mains au-dessus de la tête. Il reprend mon menton et
recommence à m'embrasser
la gorge. Qu'est-ce que c'est frustrant. Lorsqu'il atteint le creux à la base de mon cou, il
y fait tournoyer le bout de son nez, puis sa bouche entame une croisière nonchalante vers
le sud. Mes seins sont embrassés et délicatement mordillés, les pointes tendrement
sucées. Mes hanches se mettent à onduler au rythme de sa bouche, et je tente
désespérément de garder les bras au-dessus de la tête.
— Ne bouge pas, me prévient-il, son souffle chaud sur ma peau.
Atteignant mon nombril, il y plonge la langue, puis le broute doucement du bout des
dents. Mon corps se cambre.
— Mmm. Vous êtes si douce, mademoiselle Steele.
Son nez glisse de mon ventre à ma toison ; il la mordille doucement, la titille avec sa
langue. Tout d'un coup, il se redresse, s'agenouille à mes pieds, m'agrippe les chevilles et
m'écarte les jambes.
Eh merde ! Il m'attrape le pied gauche et le porte à sa bouche. Tout en observant la
moindre de mes réactions, il embrasse tendrement chaque orteil, puis en mord doucement
le bout. Quand il atteint le dernier, il le mord plus fort et je me convulsé en poussant un
petit cri. Il fait glisser sa langue le long de la cambrure de mon pied - je ne peux plus le
regarder, c'est trop érotique. Si ça continue, je risque de m'enflammer spontanément. Je
serre les paupières. Il embrasse ma cheville, remonte mon mollet en y semant des baisers,
s'arrête juste au-dessus du genou, puis refait le même parcours sur la jambe droite.
Quand il mord mon petit orteil, je le sens jusqu'au creux de mon ventre.
— S'il te plaît !
— Chaque chose en son temps, mademoiselle Steele, souffle-t-il.
Cette fois il ne s'arrête pas au genou et poursuit sa route à l'intérieur de ma cuisse, en
écartant un peu plus mes jambes. Je sais ce qu'il s'apprête à faire, et quelque part je
voudrais le repousser, parce que je trouve ça gênant. Il va m'embrasser là, je le sais ! Mais
j'en suis aussi très fière, et je meurs d'impatience qu'il le fasse. Il repasse à mon autre
genou et remonte ma cuisse en m'embrassant, me léchant, me suçant. Puis, tout d'un
coup il est entre mes jambes, le nez fourré dans mon sexe. Je me tords... ah mon Dieu.
Il s'arrête pour attendre que je me calme. Je relève la tête, bouche ouverte, coeur
battant.
— Savez-vous à quel point votre odeur est enivrante, mademoiselle Steele ?
Sans me quitter des yeux, il plonge le nez dans ma toison et inspire.
Je rougis de la tête aux pieds, au bord de l'évanouissement, et je ferme les yeux
aussitôt. Je n'arrive pas à le regarder faire ça !
Il souffle sur mes poils. Putain...
— Je les aime bien, en fin de compte, susurre-t-il en tirant doucement dessus. Peut-être
qu'on les gardera.
— Ah... s'il te plaît, continue.
— Mmm. J'aime bien que tu me supplies, Anastasia. Je geins.
— Donnant-donnant, ça n'est pas mon genre, mademoiselle Steele, susurre-t-il en
continuant de souffler sur mes poils, mais comme vous m'avez comblé aujourd'hui, vous
devez être récompensée.
J'entends un sourire coquin dans sa voix, et tandis que mon corps chante à ces mots,
sa langue commence à encercler lentement mon clitoris alors que ses mains maintiennent
mes cuisses.
— Aaah !
Mon corps se cambre et se convulsé au contact de sa langue. Il la fait tournoyer encore
et encore, sans relâche, il me torture, je perds pied, chaque atome de mon être se
concentre sur cette petite centrale électrique qui grésille entre mes cuisses, mes jambes se
raidissent... Il glisse un doigt en moi.
— Bébé, tu mouilles tellement pour moi... j'adore.
Il décrit un large cercle avec son doigt, m'étire, me distend, sa langue imite ses gestes,
elle tourne, tourne elle aussi. C'est trop... Mon corps supplie qu'on le soulage. Incapable de
le lui refuser plus longtemps, je me laisse aller, perdant toute pensée cohérente quand
l'orgasme s'empare de moi, tordant mon ventre en longs spasmes. Bordel de merde. Je
hurle et le monde s'effondre, anéanti par la force de ma jouissance.
Je halète si fort que j'entends à peine le déchirement d'un emballage. Très lentement, il
s'insinue en moi et se met à bouger. Ah... mon Dieu. Ça me fait mal, ça me fait du bien,
c'est dur et doux en même temps.
— Ça va ? souffle-t-il.
— C'est bon.
Il se met à bouger plus vite, plus fort, plus à fond, il me pilonne, implacable, il me
pousse à bout jusqu'à ce que je sois à nouveau prête à basculer. Je gémis.
— Jouis pour moi, bébé.
Sa voix est dure, rauque, et j'explose autour de lui tandis qu'il me défonce à coups de
rein de plus en plus rapides.
— Putain... merci, chuchote-t-il avec un dernier coup de rein brutal.
Il gémit en jouissant avec une dernière poussée, se fige, puis s'effondre sur moi de tout
son poids, m'enfonçant dans le matelas. Je ramène mes mains ligotées sur sa nuque et le
serre contre moi tant bien que mal. Je sais à ce moment-là que je ferais n'importe quoi
pour cet homme. Je lui appartiens. Les merveilles qu'il m'a fait découvrir vont au-delà de
tout ce que j'aurais pu imaginer. Et il veut aller plus loin, tellement plus loin, vers un lieu
que je n'arrive même pas à imaginer dans mon innocence. Que faire ? Il s'accoude pour me
dévisager intensément.
— Tu vois à quel point c'est bon entre nous. Si tu te donnes à moi, ce sera encore
meilleur. Fais-moi confiance, Anastasia, je peux t'entraîner vers des lieux dont tu ignores
jusqu'à l'existence.
Il a encore lu dans mes pensées ! Il frotte son nez contre le mien. À peine remise du
séisme, je le regarde d'un oeil vide en cherchant à tâtons une pensée cohérente.
Tout d'un coup, des voix retentissent devant la porte de sa chambre. Je mets un
moment à comprendre ce qu'elles disent.
— Mais s'il est encore au lit, c'est qu'il doit être malade. Christian ne fait jamais la
grasse matinée.
— Madame Grey, je vous en prie.
— Taylor, vous ne pouvez pas m'empêcher de voir mon fils.
— Madame Grey, il n'est pas seul !
— Pardon ?
— Il y a quelqu'un avec lui.
— Oh...
Sa voix est incrédule.
Christian me regarde, à la fois amusé et horrifié.
— Ciel ! Ma mère.
EL James
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